À l’occasion de la première journée internationale du Carignan, le Carignan Day, le 29 février, Pierre Cros avait sorti quelques vieux millésimes de son pur Carignan de la cave, afin d’organiser une dégustation verticale du millésime 1999 à aujourd’hui. Assez familiarisé avec les millésimes récents de 2007 à 2011, je ne savais pas comment se présenteraient les vins les plus anciens. Après une préparation adéquate des vins – température de 16° C, ouverture des bouteilles 4 heures avant – j’ai pu les déguster en présence de quelques amis du vigneron et deux illustres journalistes, en commençant par le millésime 1999.
Certains, plus rapide que moi, ont déjà écrit sur cette dégustation et leurs vins préférés (2000, 2002, 2004, 2005 et 2010 pour Michel S. , 1999 et 2007 pour André D. ).
Après quelques mois de réflexion, vous trouverez ici mes propres impressions. Pour ne pas vous perdre dans 13 millésimes de phrases vineuses interminables, quelques mots clés devraient suffire, sauf si bon me semble d’en dire un peu plus.
Vieilles Vignes Millésime 2011
crémeux, gourmand, fougueux
Vieilles Vignes Millésime 2010
encore jeune, fruité, peu tannique, acidulé, citronné
Vieilles Vignes Millésime 2009
très mûr, complet, structure tannique puissante, tendu, à manger
Vieilles Vignes Millésime 2008
très fruité, riche, volume, dense
Vieilles Vignes Millésime 2007
beurré, gras, suave, généreux - encore un grand potentiel de garde !
Vieilles Vignes Millésime 2006
frais, encore jeune, ample, structuré
Vieilles Vignes Millésime 2005
Ce vin donne une étonnante impression de jeunesse et de fraîcheur, avec une belle tenue et des tanins serrés. Il évolue lentement et semble avoir encore quelques années d’évolution aromatique et gustative devant lui. Grand sur un confit de canard, terrible sur le moelleux d’un Cassoulet !
Vieilles Vignes Millésime 2004
pain d’épices, piment, souplesse, velouté… des impressions quelque peu exotiques. À boire et à garder.
Vieilles Vignes Millésime 2003
fondu, volume, assez généreux (mais beaucoup moins que l’on pourrait s’imaginer sur ce millésime), de beaux tanins
Vieilles Vignes Millésime 2002
épices, caramel, velouté, un bon vieux vin de 10 ans d’âge, qui l’aurait cru au moment des vendanges ? C’est peut-être encore une preuve que c’est la vigne qui fait le vin - en occurrence une vieille dame de 97 ans à l’époque. Apparemment assez insensible aux aléas météorologiques, elle a structuré et épicé son raisin comme il le faut, sous les pluies quasi diluviennes du millésime 2002…
Vieilles Vignes Millésime 2001
grillé, torréfié, fruit cuit, fluide
Vieilles Vignes Millésime 2000
doux, herbeux, frais, chocolaté
Vieilles Vignes Millésime 1999
moins de fruit, mais beaucoup d’élégance. Un vin linéaire, étoffé, avec une aromatique très minérale et terreuse - la bonne terre chaude fraîchement retournée un matin d’automne. Un vin de chocolat (amer), de cigare (si vous voulez), de cheminée. Très intime…
Septième coup de cœur pour la cuvée phare du domaine.
Véritable « guide spirituel » du Minervois, Pierre Cros fait partie de ces grands artistes vignerons qui, ayant trouvé le graal dans leurs souches, nous font partager l’œuvre de leur vie en honorant nos tables de divins breuvages.
Ce 2009 livre des parfums de cassis, de mure, de vanille, de poivre et de cannelle d’une intensité exceptionnelle. Suave, sensuelle même, la bouche dévoile une chair onctueuse et s’achève en apothéose sur « une éternité de caudalies. »
Ils existent aujourd’hui plusieurs grandes régions et grandes écoles de vin rosé : la Loire, avec son Gamay et Cabernet franc parfois sucrés, la Provence avec son Mourvèdre et Tibouren noir, les rosés du Rhône à base de Grenache et avec son Tavel - rosé des rois - et le grand Languedoc avec ses vins méditerranéens de Grenache, Syrah, Cinsault, Carignan…
Quand à l’élaboration, deux grandes écoles s’opposent et complètent : les vins rosé de pressurage direct et les vins rosé de saignée. Comme l’explique son nom, les raisins (noirs) vendangés pour élaborer un vin rosé de pressurage direct sont directement mis dans le pressoir, souvent après un érafflage, pour extraire le jus des raisins. Dû au faible contact entre le jus et la pellicule qui contient la couleur, la coloration de ces jus est souvent faible et donnera des vins rosés clairs. Mais attention, la couleur des moûts dépend entre autres du cépage, de la maturité des raisins et de la mise en œuvre du pressurage. Le moût obtenu par pressurage direct est ensuite fermenté à basse température, comme un vin blanc.
Pour un rosé de saigné, les raisins (toujours noirs) sont érafflés et foulés (léger écrasement des baies pour faciliter l’écoulement des jus) et mis dans une cuve réfrigérée. C’est surtout le temps de contact entre le jus et la pellicule qui décidera de la couleur et du caractère du vin – toujours en fonction du cépage et de la maturité. Au bout de quelques heures la cuve est saignée, en tirant une partie du jus vers une autre cuve. La vendange fraîche qui reste dans la première cuve fera du vin rouge, tandis que la saignée est vinifiée comme un vin blanc, en phase liquide.
Classiquement on obtient deux types de rosé distincts par ces procédés : le rosé de pressurage avec peu de couleur et un profil gustatif tendu, frais et assez léger, et le rosé de saigné avec une couleur plus soutenue, assez généreux, rond et gourmand. Bien évidemment, on peut utiliser les deux techniques ensemble pour élaborer un seul vin rosé. L’essentiel est d’adapter la technique utilisée aux raisins et au profil de vin souhaité.
La cuvée Tradition de Pierre Cros en est un bel exemple. Constitué par quatre cépages méditerranéens, les deux techniques sont appliquées : pressurage direct pour le Grenache et le Mourvèdre, saignée pour le Cinsault et la Syrah. Les deux premiers apportent ainsi fraîcheur et relief, complétés par la douceur et la rondeur du Cinsault et de la Syrah. De couleur pâle et brillante, ce rosé présente un nez très attrayant de fraise et framboise dans sa jeunesse, qui se complète avec le temps de quelques notes d’écorce d’agrumes et de menthe. Frais et léger en bouche, et avec quelques tanins discrets en fin de bouche, ce vin a du relief et de la continuité, bref, une très grande buvabilité ! Servi à la bonne température (10 à 12°C), c’est un rosé d’apéritif, un rosé de terrasse, un rosé de repas, bref un véritable ami de l’été…
Je ne sais pas si ça vous arrive aussi, mais en période de vendanges, je tombe souvent sur des vins que je débouche et qui, dès le premier nez, embaument les effluves de vendanges, du raisin frais et bien mûr, aux parfums de griotte, de crème de mûre ou de baies de cassis. Étrange, n’est-ce pas ? C’est ce que je ressens aujourd’hui avec le verre quasi plein du « Vieilles Vignes » 2009 de l’ami Pierrot, un Carignan dont les vignes voguent vers l’éternité, pas très loin de Marseillette (village connu aussi pour son riz…) ; sur les terres des Aspres, aux pieds de la Montagne Noire, à dix bons kilomètres des tours de Carcassonne.
Commencez par un verre, comme ça, juste pour voir. Puis ayez la sagesse d’attendre et de saisir de nouveau le flacon au bout de deux jours de frigo - « Quelle horreur ! », j’entends d’ici les cris d’orfraies des traditionalistes nostalgiques des années 40 - et allez-y, buvez-le, videz-le. Équilibré, linéaire, finement serré, sans aucun signe ostentatoire, puissance contenue, persistance, ça se boit sans retenue et avec soif, on tient là le grand vin au creux du palais, sincère ni plus ni moins. Et après ? Après, on se sent bien, réconforté, lucide tout simplement.
Le « Vieilles Vignes » de Pierre est un Carignan d’école, un antidépresseur à vider entre potes sur une palombe, ou une bécasse, par exemple, pour ceux qui ont la chance d’avoir un bon chasseur près de chez eux. Le vin, issu de raisins en partie éraflés et d’une macération carbonique, a séjourné 2 à 4 mois en fûts. Il affiche à ma grande surprise 14°5, mais cet alcool ne se ressent pas le moins du monde en bouche et encore moins dans la tête. Le prix du plaisir ? 9,50 € départ.
S’il y a un gars qui dit toujours ce qu’il pense – et sans détours oratoires – c’est bien lui, Pierre Cros, prononcez « crosse ». Son Minervois « Vieilles Vignes » est un Carignan, un point c’est tout. Et il n’a pas peur de l’affirmer jusque sur la contre étiquette. Nulle question de tergiverser : « Pour moi, c’est un Minervois, tu peux l’écrire » !
Un Vigneron brut de cuve...
Pierre est un vigneron brut de cuve, un pur, un vrai, Languedocien de surcroît. Un travailleur avant tout. Fils de boulanger, il a quitté l’école à 16 ans pour rejoindre son père à la boulangerie de Bandens, son village. Dans le même temps, il pratique le rugby (troisième ligne aile) à Carcassonne. Pour lui, au départ, la vigne n’était qu’un simple bien de famille dont il hérite en 1985, alors que le raisin allait à la coopérative. « Avec la vigne, tu poses les pieds dans la terre et ça fait du bien » m’a-t-il lâché un jour. Vous voyez le genre de bonhomme. Une chose est sûre : l’homme est un collectionneur de cépages. Outre les carignan, alicante, aramon et piquepoul qu’il conserve jalousement entre autres pour sa cuvée « Les Mal Aimés » (vin de table), il a planté du pinot noir, du merlot, du touriga nacional et du nebbiolo, histoire de s’amuser un peu.
Allez le voir de ma part, vous ne le regretterez pas. Facile, il habite rue du Minervois, à Badens.
Michel Smith
Le printemps se régale chez Pierre Cros
Portes ouvertes et dégustation chez Pierre Cros dans le Minervois. Cantal, Truffade, Nebbiolo, Carignan et Syrah : images de gourmandise et de bonheur...
Rien à ajouter...
Aramon, Picpoul noir, Aspiran... plantation de vieux cépages !
Permalien, par Pierre Cros
Aujourd’hui, grâce à la prise de conscience de techniciens agricoles qui ont minutieusement sélectionné les bois de ces vieux cépages, nous avons pu mettre en place une jeune vigne d’Aramon, Piquepoul noir et d’Aspiran.
Quelle belle revanche pour ces vieux de la vieille ! Eux que l’on a voulu exterminer au profit de cépages dit « nobles » dans une région où règne de plus en plus l’hérésie d’une viticulture mondialisée au détriment de ses origines.
Quelle belle revanche aussi pour nos Anciens, qui n’étaient pas forcément plus « couillons » que nous et qui avaient compris depuis belle lurette que ces ceps avaient, eux aussi, leur place dans nos terroirs arides. _ Enfin, quelle belle revanche personnelle… Per chez nous, il ne faut pas être en avance sur son temps, car lorsque l’on est trop « précurseur », le temps que la mode arrive, personne – et surtout pas nos décideurs – ne se souvient qu’il y a dix ans, on le faisait déjà.
Alors même si je dérange une fois encore, en étant le seul vigneron en France, à cultiver ce type de vigne expérimentale « hors normes » et même si je suis excessif en tout… je le sais… que les esprits chagrins et les âmes sensibles se rassurent… j’assume…
… et vous donne rendez-vous les samedi 12 et dimanche 13 mai, de 10h à 22h, en compagnie de notre ami Jean-Pierre, éleveur fromagier à la Ferme de Marcou. Il viendra vous faire déguster ses Cantals, St Nectaire… à emporter ou à consommer sur place avec sa charcuterie maison et son échine de porc grillé (10€ l’assiette – réservation souhaitée).
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