Quand on dit Champagne, on pense plutôt « cuvée » et « assemblage » que « sélection parcellaire ». Et c’est vrai, on peut considérer les champenois comme les rois de l’assemblage. Très peu de vignerons et de maisons mettent de véritables sélections parcellaires, donc issus d’une seule vigne, d’un seul terroir, sur le marché. Les vins qui ont été construits à l’aide de raisins de différents terroirs, cépages et même millésimes dominent largement l’offre champenois (seulement 10% des vins champenois environ revendiquent le millésime et sont donc faits à partir de la récolte d’une seule année).
Pour pouvoir apprécier l’expression de différents terroirs en champagne, une seule solution : il faut connaître un vigneron ou une vigneronne qui vous invite à venir déguster les vins de base en cave. On appelle « vin de base » en champagne toutes les cuves, barriques et lots de vin produits pendant les dernières vendanges. Avec les vins de réserve, des vins de millésimes antérieurs gardés en cave pendant deux ou trois années, les vins de base vont servir pour créer les différents cuvées mises en bouteille au printemps pour réaliser la prise de mousse. Lors d’un passage dans les caves du Champagne Paul Lebrun à Cramant cet hiver, je n’ai évidemment pas refusé quand Nathalie m’a proposé de découvrir les différents terroirs de leur vignoble à travers une dégustation de ses vins de Chardonnay en cave. Ce n’est pas forcement un exercice aisé de déguster des vins très jeunes, quelques semaines seulement après avoir achevé les fermentations. De plus, les vins de base champenois sont construits sur l’acidité et la minéralité, ce qui peut surprendre le palais.
Premières presses (parcelle sur craie à Barbonne Fayel) : des arômes d’abricot, d’ananas et de confiserie, vif, acidulé et droit en bouche.
Premières presses (parcelle sur silex à Saudoy) : impression générale plus chaude et généreuse, une aromatique marquée par la pomme et la poire, rond et gourmand au palais, une finale marqué par des arômes de buis.
Premières presses (Parcelle sur craie, lieu dit « Les Bercottes") : vin très fin et élégant, doux au toucher, légèrement mentholé et plus discret.
Deuxièmes presses (terroir de Cramant) : un vin plus coloré, marqué par des arômes de fleur, de miel et de cire d’abeille, riche en bouche, fondu, présentant moins d’acidité.
Premières presses (terroir de Cramant) : fin, élégant, et doux avec une aromatique délicate et très riche : agrumes, citron vert, litchi, mirabelle et prune, raisin frais…
Premières presses (Vindey - Terroir du Sézannais) : complexe, riche et très mûr, avec un parfum de menthe fraîche, de fruits blancs comme la poire et du beurre, mais également une forte proportion de minéralité et un côté fumé.
En général, les terroirs sur craie semblaient donner plus de structure et de minéralité, tandis que les sols plus argileux et ou sableux confièrent plus de richesse et de maturité aux vins. En tout cas dans cette dégustation. Il ne faut néanmoins pas oublier qu’un terroir n’est pas seulement fait par le sol. Le climat, la topographie et la disponibilité en eaux constituent des facteurs tout aussi importants.
Pour Nathalie les tendances gustatives des différents terroirs qu’elle travaille se confirment néanmoins chaque année, indépendamment du millésime.
« Les vignes de Cramant donnent toujours des vins construits sur l’élégance, la finesse et la minéralité. Ce sont des vins qui demandent de la patience, des vins de garde. Ce sont eux qui nous permettent de construire nos plus grands champagnes pour la table. Les vignes du Sézannais en revanche, situées au sud de la Côte de Blancs, montrent toujours plus de maturité et de générosité. Des vins plus charmeurs, qui se défendent plus facilement seuls. »